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Les randonnées pédestres d' EVASION CATALANE
1 avril 2021

Histoire de l'ancien chemin de l'eau de Port-Vendres

L’ancien Chemin de l’eau de Port-Vendres.

             Ce "chemin de l’eau" a une longueur totale de 8,820 km, depuis la source d’en Cassagnes (en haut du massif de la Massane) jusqu’au réservoir de l’entrée de Port-Vendres sur la route de Banyuls.

Le tronçon le plus spectaculaire, très apprécié des randonneurs, court en balcon au-dessus de la vallée du Ravaner, sous la Madeloc et le fort de Taillefer, entre le col de Serre et le col de Vallauria (ou Balaury). Mais d’autres tronçons sont également appréciés des randonneurs : celui qui relie le col de Vallauria aux sources de la Massane ; et celui qui relie le col de Migt à celui de Perdiguer puis à celui de  Mala Cara.

Ce chemin de l’eau a une histoire, liée à celle de Port-Vendres.

La voici.

         Entre le 5 ème siècle (au départ des Romains chassés par les Wisigoths, époque de l'abandon du sanctuaire de Vénus et de l'abandon du culte des dieux et déesses romains) et l’intérêt militaire marqué par Vauban à partir de 1668 pour cet extraordinaire abri en eaux profondes qu’est Port-Vendres, donc durant 12 siècles, le port de Vendres (ou de Vénus) a été entièrement dépeuplé et déserté.

           Sauf à de rares exceptions, comme pour servir de 3ème port à Collioure et de chantier naval, d’atelier de réparation des carènes, durant le règne des rois de Majorque, aux 13 et 14 èmes siècles, et quelques autres occasions pour servir de façon épisodique de port de guerre, lors des conflits entre la France et l’Espagne.

           Les jardins et pâturages qui se trouvaient sur la plaine et le fond de vallée du val de Pintas, là où se trouvent aujourd’hui la place Castellane, le quai Joly et la totalité du nouveau port (300 mètres de long sur 175 de large, creusé sur 9 mètres de profondeur), appartenaient aux Colliourencs qui effectuaient en peu de temps, par sentier ou par mer les 2 kilomètres et demi qui séparent Collioure de Port-Vendres. La route reliant Collioure à Port-Vendres ne date que de 1753.

          Pendant 12 siècles il n’y eut donc vraisemblablement que quelques cabanes ou casots à Port-Vendres, sans habitants fixes. Puis, avec la construction du quai de l’Artillerie et de celui de l’Obélisque à partir de 1773 sur l’ordre de Vauban, quelques maisons en dur sont construites sur la colline de la Miranda (à l’emplacement de l’actuelle rue Arago ou du Soleil) puis près de la place de l’Obélisque (quartier du Citre). 

                      Le roi offre des emplacements de terrains à construire proches du quai et annonce exonérer d’impôts et de taxes tous les jeunes couples acceptant de venir s’installer dans ce lieu désertique et le peupler. Quelques aventuriers viennent de l’Est de la France et d’autres de Grèce. Ce seront les premiers habitants du nouveau Port-Vendres, qui va renaître au 18 è siècle. Ces nouveaux Port-Vendrais n’ont aucune racine avec le terroir, et peu de culture historique. L’histoire d’Aphrodite, déesse grecque, et de Vénus, déesse romaine, et de leurs sanctuaires établis ici près de 2 millénaires auparavant, ayant donné son nom à Portus Veneris, leur est étrangère et sans intérêt. Ainsi qu’à leurs descendants : la prise de conscience du lointain passé phénicien, grec puis romain de Port-Vendres est récente et est encore à demi confidentielle. On comprend que le projet de création de Musée d’Archéologie sous-marine et d’Histoire Catalane ait eu peu de soutiens en 2000 et ait capoté en 2001, faute de suffisamment de Port-Vendrais impliqués dans un projet culturel qui ne paraît pas être la  priorité du plus grand nombre.

 

           A la fin du XVIII ème siècle, la première église se trouvait alors à l’extrémité est du quai du Fanal, à l’entrée du quai de la Quarantaine, à l’angle de la rue du Soleil et de la rue de la Miranda. Les autres quais, avec les constructions les bordant, n’existaient pas, ils ne datent que du 19 è siècle. Avant 1880, ce sont des vignes qui sont sur ces collines, là où aujourd’hui se trouvent le quai Forgas, les immeubles du port, la  place Bélieu, l’école primaire, toutes les rues et les constructions du Port-Vendres actuel. Avant 1880, il n’y avait pas une rue, pas une maison, il n’y avait que des vignes appartenant aux Colliourencs !

 

Puis, après 1773, peu à peu, une population s’installe, trouvant là une activité économique et organisant son quotidien. En 1804 on comptait déjà une cinquantaine de foyers, soit 194 habitants à Port-Vendres.

 

Cependant, en 1823, année de la création de la commune de Port-Vendres, encore seulement   60 foyers composent cette commune !

 

Mais grâce aux  liaisons maritimes, militaires et commerciales, avec la colonie d’Algérie, le peuplement s’amplifie.

En 1831, 676 habitants ; en 1841 : 1.157 ; en 1851 : 2.005 ; en 1881 : 3.311.  Les besoins d’eau pour les hommes et les animaux ont été multipliés par 17 en 75 ans.

Le développement économique de la ville et du port, lié à la conquête de l’Algérie, a augmenté leurs besoins en eau. Depuis 1867, les trains à vapeur, puis les navires à vapeur depuis 1880, sont également de gros consommateurs d’eau, en plus des passagers et des nouveaux habitants venus s’installer dans ce port actif.

Mais plusieurs autres facteurs, liés aussi à l’extension de la ville et de ses activités,  ont aggravé la situation pour ce qui concerne l'eau potable :

-         De 1845 à 1860, la nouvelle darse est creusée, de 300 mètres de long sur 175 mètres de large et 9 mètres de profondeur. Ce creusement du nouveau port en eaux profondes a été effectué dans la vallée formée  par l’estuaire du torrent du val de Pintas. Cette fin de vallée donnant sur le bord de mer, sorte de plaine et de lagune,  était couverte de jardins irrigués par des puits, dont le plus important et régulier, le  « puits du roi »,  qui tous alimentaient en eau les habitants. Lorsque le nouveau port  a été ouvert à l’eau de mer, tous ces puits d’eau douce de l'ancienne vallée ont été ennoyés et ont disparu. La nappe phréatique qui alimentait Port-Vendres a ainsi disparu sous les eaux salées du nouveau port.

-         En creusant à 9 mètres, la Marine Nationale a rendu saumâtre la nappe phréatique jusque loin dans les terres en amont du val de Pintas.

-         Comme la navigation à vapeur exigeait beaucoup d’eau, la Marine Nationale a organisé des captages de sources sous le Sailfort, et a construit des réserves privées, ce qui a créé un déséquilibre au détriment de la commune qui n’a pas eu accès à cette eau monopolisée par la Marine.

-          La ligne de Chemins de Fer à vapeur de la Compagnie du Midi avait été ouverte à Port-Vendres en 1867, et toutes les eaux de la partie supérieure du Val de Pintas avaient été réservées à cette activité, la population locale en étant désormais privée.

Pour résoudre ce problème de l’eau, décision est prise en 1884 par la municipalité de capter l’eau de la source d’en Cassagnes, dans la haute vallée du Ravaner, et de la faire couler sur Port-Vendres : le débit calculé en août 1884 indique qu’en 24 heures cette source débite 119.882 litres, ce qui correspondait à 35 litres d’eau par jour par habitant.

L’achat des terrains où se trouve la source et par où faire passer les canalisations coûte 25.000 francs. Et l’entreprise Parent et Isembat remporte l’adjudication en 1890 pour un devis de 104.365 francs.

Le ministère de la Marine alloue une enveloppe de 90.000 francs, à condition que les 2/3 des eaux arrivant ainsi à Port-Vendres soient réservés aux besoins de la Marine. Ces besoins tiennent au commerce vers l’Afrique du Nord et aux transports des troupes.

Les travaux du Chemin de l’eau débutent en avril 1890 et ne durent que 2 ans. Tout a été fait à la pelle et à la pioche, les dérochements, les creusements du sol et du tunnel, les aplanissements, les murs de soutènement, les passages de ravins, les corniches,… L’inauguration est fêtée par un banquet le 31 décembre 1892.

Ce seront finalement 4 sources qui alimenteront cette canalisation débouchant au réservoir qui a été creusé à 49 mètres d’altitude un peu après le coll del Mitg, au-dessus de la route de Banyuls, à la sortie de Port-Vendres :

Le premier et le plus important captage est celui de l’eau de la source Fonts d’en Cassagnes, à 682 m d’alt., sur le flanc nord du pic Sailfort, qui alimente également le Ravaner. La canalisation, sur la rive gauche du Ravaner, passe par un tunnel de 200 m de long (à 660 m d’alt.) pour rejoindre, à 620 m d’alt. la source d’en Vergès sous le Sailfort et, à 600 m d’alt. la source d’en Bernède.

Le Chemin de l’eau franchit alors le Ravaner naissant et passe alors au coll de Vallaurya ou Ballaury (à 416 m d’alt.) et continue sa descente sur le flanc ouest de la Madeloc, coulant désormais sur la rive droite du Ravaner, jusqu’au coll de la Serra (à 410 m, où se trouve une station dans un bâti en dur), puis au coll de Mollo (à 230 M d’alt.) et au coll de Mala Cara. Suite à ce col une quatrième source est captée, la Font del Soldat, et grossit le flot qui passe au coll de Perdigué puis au coll del Mitg et aboutit au réservoir à 49 m d’alt.. Sur 8820 mètres de longueur,  son dénivelé négatif est de 633 mètres. Après le réservoir, des canalisations sur 1660 mètres distribuaient l’eau aux diverses pompes alimentant les quais et les maisons de Port-Vendres. Ce sont 193 M3 d’eau au minimum qui pouvaient arriver par jour à Port-Vendres.

Des employés communaux veillaient à l’entretien de la canalisation et travaillaient à empêcher son envasement, sur les 8 km 820 de son parcours. Ils avaient 59 regards à vérifier pour éviter les surpressions.

Mais ce captage des eaux du Sailfort ne suffira pas lorsque de nombreux navires de guerre utiliseront Port-Vendres durant la guerre civile espagnole : une conduite d’eau venant du Tech est alors mise en chantier, et terminée en 1942.

             En 1965, l’eau apportée par le Chemin de l’eau descendant du Sailfort est analysée et déclarée non potable, polluée par les déjections des animaux ayant directement accès aux sources. Les travaux pour la rendre potable ne reprennent qu’en 2005-2006 : l’entreprise Fabre et fils est alors choisie pour tout reprendre sur les 8 kilomètres 800 du Chemin de l’eau, sans pouvoir utiliser aucun moyen mécanique sur un tel sentier de montagne. Les mulets portent les charges, les hommes travaillent tout à la main, maniant la pioche, la pelle et la truelle. Les canalisations défectueuses et les regards sont changés, les murs de soutènement sont consolidés, l’environnement des sources captées est protégé par des grilles pour empêcher leur pollution par les animaux de ferme et sauvages, des abreuvoirs pour les vaches et les mulets sont construits à proximité et à l’extérieur de ces protections des sources.

 

     Aujourd’hui ce n’est plus Port-Vendres qui continue à recevoir l’eau de l’ancien Chemin de l’eau : entre le coll de Vallauria et le coll de la Serra, la canalisation entretenue jusque là a été déviée vers l’ouest pour descendre vers le réservoir du  hameau du Rimbau qu’elle alimente. A partir de là, la vieille canalisation continue à glouglouter, mais le filet d’eau qui la suit se perd en chemin et n’arrive plus à Port-Vendres.

En 2018, Port-Vendres comptait 4075 habitants. Le train comme les bateaux ne sont plus à vapeur, ne nécessitant plus autant d’eau partant en « fumée », en vapeur. Port-Vendres a trouvé d’autres sources d’alimentation en eau, venant de plus haut et de plus loin.

      L’ancien Chemin de l’eau est devenu un bien agréable sentier de randonnées, au départ de Mitg, de Perdiguer, en balcon sur la vallée du Ravaner entre Serre et Vallauria, et sur les pentes de la Massane.

 (Source : Mady Marti-Malfettes, de l’As. A. M. E . Dans « L’Exocetus Volitans » N° 33 de 2020). Et merci, Bernard !

             Un heureux groupe de 28 (qui souhaita la bienvenue à Daniel !), mené par Christiane, a effectué, cet après-midi ensoleillé du mardi 1er avril 2021, une très agréable rando en faisant l'aller-retour entre le col de la Serra et celui de Vallauria, soit 6,5 km, avec 100 mètres de dénivelé.

A l'aller, le choix entre le mode zen et le mode zen-zen permit aux tenants du mode zen de marcher avec François à un rythme euphorique et dynamique, ce qui, en plus, leur assura une agréable pause au soleil en attendant les autres au col de Vallauria. Ils avaient sous les yeux l'emplacement de l'ancienne abbaye de Torreneules, aujourd'hui ruinée, où des moines du Moyen-Âge, dépendant de l'abbaye de Fondfroide, avaient trouvé un environnement calme, paisible, inspirant, zen, quoi !

Alors que les tenants du mode zen-zen, faisant l'éloge de la lenteur, s'extasiaient voluptueusement sur les fleurs rencontrées, les papillons croisés, les dernières asperges à ramasser,  en partageant les dernières nouvelles, concernant notamment les freins nécessaires pour contrer la propagation du virus. 

Au col de Vallauria, tous réunis, bien reposés, ont alors repris le sentier en sens inverse, en suivant la douce pente de l'eau entre le col de Vallauria et celui de la Serra, avec l'impressionnante vallée du Ravaner en contrebas sur la gauche.

      C'est un paysage tellement beau et on respire tellement du bon air là-haut qu'on ne s'en lasse pas. Qu'est-ce qu'on va bien dormir ce soir après une si agréable randonnée ! D'y penser et de bien-être, j'en baille déjà ! (voir la dernière photo).

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Commentaires
A
Merci à André de proposer dès la tombée de la nuit ce riche chemin d'histoire -le labeur de ceux qui ont pensé et accompli le chantier- à nous qui avons parcouru le chemin de l'eau en promenade-santé et à tous les connectés au blog !
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